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Il était une fois Marrakech la juive ou la splendeur des jours nacres d’automne de Thérèse Zrihen-Dvir

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Petite histoire moderne de la « Diaspora »
Bien souvent, la littérature est perçue comme peu sérieuse, un divertissement sans intérêt qui n’amène rien de profond quant aux graves questions et aux haines, particulièrement les haines, qui peuvent agiter une époque troublée, et violente.
Ce livre très dense, dont l’on est en droit de ne pas prendre tous les partis pris, montre que ce n’est en rien pertinent de le croire.
Le peuple juif, comme le chrétien, connaît l’importance du Verbe, de la parole écrite, donc de la littérature, puisque « au commencement était le Verbe », un Verbe qui se fera chair pour les chrétiens un peu plus tard.
Ne serait-ce que le titre du roman pourrait se concevoir déjà en lui-même comme une provocation aux fanatiques, à tous ceux qui divisent, séparent, compartimentent les êtres humains selon leurs origines, leurs croyances, leur mode de vie, leur communauté, y compris au nom de bonnes intentions.
Mais il y eut bien un quartier juif dans le « Mellah » de Marrakech, que l’auteure évoque avec précisions et forces détails sous le protectorat français et après la remise en place de la monarchie alaouite.
En tournant les pages de son livre, on retrouve le fourmillement des rues arabes, leur vie turbulente, les parfums d’essence qui se mêlent à ceux des épices, la trivialité à la beauté la plus spirituelle, l’intelligence du cœur, et la sottise et les haines ancestrales que cela implique. L’on croit entendre les plaintes lancinantes des « muezzins », les klaxons rageurs des conducteurs toujours pressés.
L’on y croise les vieillards immémoriaux attablés avec d’autres devant un café « turc », bavardant avec animation, les mendiants, les gosses des rues qui considèrent avec insolence le notable qui passe.
Le lecteur se prend également d’affection pour cette petite communauté juive du « Mellah » de Marrakech, cette ville ocre où il n’est pas rare qu’il fasse plus de quarante-cinq degrés à l’ombre, sans que cela n’apaise en quoi que ce soit les passions des uns ou des autres ou leur envie de vivre « à grands rênes ». Malgré les efforts de ces habitants, ce quartier perdra progressivement son identité qui se diluera, beaucoup d’habitants partant vers Israël, encouragés en cela dés l’enfance et l’adolescence par le scoutisme juif, comme Marie, avec l’espoir d’y trouver une nouvelle vie et une Terre véritablement promise.Le lecteur retrouve dans ce livre la sensibilité à fleur de peau du peuple de la « Diaspora », cette sensibilité qui est également celle de tous les peuples originaires du Proche-Orient qui oscillent sans cesse entre la violence extrême et l’accueil toujours attentionné et tout en finesse que l’on y rencontre.Ce peuple de la Diaspora n’est pas un peuple de « tièdes » non plus, les sentiments y sont exacerbés, dont le sentiment d’appartenance à une identité forte qu’est la judéité.
C’est d’ailleurs ce qui leur a été très souvent reproché, de maintenir intacte cette identité juive, malgré la diversité des pratiques en relevant, se contredisant très souvent, et donnant lieu à des polémiques et discussions théologiques âpres qui durent depuis que le judaïsme existent et qui dureront jusqu’à la fin des temps. C’est un peuple qui aime la polémique, la « disputatio », la discussion, savoir ce que l’autre, l’interlocuteur a dans le ventre, échanger avec lui-même durement, et ce que ce soit à la terrasse d’un café sur le front de mer à Tel Aviv, ou sous l’ombre tutélaire des murailles de la « Vieille Ville » de Jérusalem, sans que cela n’interdise plus tard d’inviter le contradicteur éventuel à un repas de « Hanukah ».
Que l’on me pardonne cette digression quant à la critique du livre, mais il m’apparaissait indispensable de rappeler ce cœur à vif, et pourtant tellement bouillonnant, qu’est le cœur des Juifs, avec toutes ses contradictions et parfois une certaine violence des sentiments comme Judith allant jusqu’à trancher la tête de Holopherne, le sens du dérisoire, telle Sarah riant aux éclats face à l’Ange qui lui dit qu’elle sera enceinte à un âge plus que canonique. L’humour juif est tout entier dans cette dérision subtile, des histoires de « shtetl » à Woody Allen en passant par Groucho Marx.
L’histoire montre l’évolution de ce cœur, et de ce peuple, à travers le personnage de Marie qui est un peu l’auteure, on le devine, depuis sa naissance et des personnes qu’elle rencontre, dans sa communauté et à l’extérieur de celle-ci, de son apprentissage avec un sage rabbin qui lui explique les fondements de la religion juive, cette foi « athée », cherchant la rationalité, ce qui pourrait sembler encore paradoxal mais qui est simplement complexe et nuancé.
On reproche souvent aux auteurs d’être égocentrique et de ne parler que d’eux-mêmes au fond, mais c’est ici tout l’inverse, bien loin d’une autofiction dans le vent, car l’on ressent profondément l’empathie que l’auteure a pour tous ces personnages sans en omettre un seul.
Marie elle-même, le personnage du roman, qui porte le prénom d’une femme sainte pour les trois religions monothéistes, les trois religions dites « du Livre », est perdue dans ses paradoxes, dans la difficulté de se retrouver entre sa judéité et le monde moderne, parfois des plus séduisants, qui la ramène à son identité, ses sentiments comme le fera pour elle une chanson de Sam Cooke, faussement désinvolte.
Elle devient femme en tombant amoureuse pour la première fois, ce qui rend les choses beaucoup moins simples, les grandes personnes étant beaucoup plus compliquées que les enfants, ainsi que s’en aperçoit Marie. Partir pour un court voyage à Paris élargit soudain son horizon ainsi que le champ de cruelles désillusions qu’elle subit, car elle se retrouve confrontée à la xénophobie, malgré la fin de la Guerre toute proche et les souffrances vécues durant celle-ci par le peuple Juif, et aussi à l’hypocrisie d’un mode de vie prétendument ouvert, mais tout aussi hypocrite que d’autres.
Elle ressent néanmoins toute la profondeur et la force de la culture française et ce malgré la petitesse des aspirations des français qu’elle rencontre à Paris.
En suivant la vie de ce personnage féminin, parallèle à l’évolution des mœurs, c’est à une historisation de la fiction que se livre Thérèse Zrihen, ainsi que les auteurs actuels les plus intéressants procèdent, il est vrai. Marie tombe amoureuse de Philippe, qui n’est pas de son peuple, et vit avec lui un amour romantique, parfois chaotique, en secret des mauvaises langues et des commères de sa communauté.
La judéité se confond actuellement de plus en plus avec le sionisme et l’appartenance ou le soutien à Israël, le roman de Thérèse Zrihen montre que c’est un peu plus compliqué que cela même si pour beaucoup de juifs, Israël est cette patrie perdue, rêvée et idéalisée qu’ils n’ont jamais vraiment eue, se sentant à part et rejeté à différents degrés de par l’antisémitisme toujours virulent et jamais vraiment éteint, comme des relents nauséabonds qui remonteraient sans cesse à la surface du marais putride des haines mal digérées, comme des braises sur lesquels certains ne songent qu’à souffler, ne se souciant guère des conséquences, et le tout, même au nom de justes causes.
 

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